Jean Rochard, Pierre Tenne

Le jazz en 101 citations

On m’a dit que personne ne chante le mot faim comme je le fais. Ou le mot amour. Sans doute parce que je me souviens de ce qu’ils signifient.
Billie Holliday

Ces mots que Billie Holliday a su si intensément chanter n’illustrent certainement pas l’excellence d’un genre, mais bien la relation que tout un courant musical devenu multiple incarne avec le monde. Et c’est suivant cette piste que le producteur Jean Rochard et l’historien Pierre Tenne ont tracé une petite introduction au jazz en 101 citations. Non pas un best of stérile, ni une liste limitative, mais une suite de 101 séquences clés ouvrant sur tant d’autres. Le jazz y est dans son histoire, sa géographie, ses déplacements, ses luttes et celles qu’il incarne, la politique, la spiritualité, le féminisme. Il s’y trouve dans ce qu’il a influencé de la mode, de la danse, de l’image comme de ce qui l’a influencé, telles les musiques orientales et bien évidemment africaines qui en sont une de ces composantes majeures. On le saisit aussi dans ces contradictions allant de son aisance à illustrer les changements sociétaux ou, au contraire, de s’y perdre. Plus que centenaire, il reste présent encore dans les musiques qu’il a contribué à faire naître pour être en retour influencé par elles : le rythm’n’blues, le rock ou le rap. Une balade en deux ailes et 101 séquences avec les témoignages de musiciens et musiciennes, d’écrivains, dessinateurs, cinéastes, philosophes, historiens, politiciens et même personnages de fiction.

Musique sensiblement attachée à sa mémoire et à son histoire jusque dans ses plus intimes contradictions, le jazz est parlé ici à travers une chronologie dont le sens ne peut être reconstruit autrement. Le choix a été fait d’ordonner les 101 citations selon un ordre chronologique, sans s’interdire des désordres temporels momentanés.

L’histoire du jazz porte en elle tous les désordres qu’elle peut contenir et qui constitueront autant de thèmes organisant le propos :

  • Géographie qui suit le fil des esclaves africains déportés en Amérique du Nord, le jazz s’est répandu ensuite dans le monde entier et particulièrement l’Europe, dès la fin de la Première Guerre mondiale. Cette histoire qu’on fait par légende débuter avec Buddy Bolden à La Nouvelle-Orléans, ou bien dans la « touche espagnole » que Jelly Roll Morton lie aux Caraïbes, ou bien dans les work songs des plantations, ou bien dans les spirituals des Églises noires.
  • Modes diverses où le jazz incarne une modernité hédoniste, révoltée, érotique, dansante, noire, intellectuelle, libre. Entre le Harlem Renaissance et le Bal Nègre de Paris, entre les romans de Claude McKay et le monde intellectuel parisien du Saint-Germain-des-Prés d’après-guerre, ou peut-être entre les quatre pieds des Nicholas Brothers, le jazz est aussi un thème à la mode.
  • Politiques du jazz marquées par le sceau du racisme étatsunien, qui fournirent en retour les moyens de nombreuses révolutions sonores et sensibles. Des héros : Malcolm X ou Huey Newton, dont des musiciens européens se firent aussi les défenseurs. Le goût des révolutions : swing, be-bop, free jazz, puis free music européenne, qui s’harmonisèrent parfois à d’autres élans révolutionnaires – révoltes dans les prisons, émeutes raciales, un certain mois de mai. Basses politiques du jazz, aussi, jusqu’à son apothéose actuelle où la quête des subventions publiques a phagocyté, en France du moins, sa force insurrectionnelle.
  • Images du jazz, des photographes (Art Kane, Francis Wolff, Guy Le Querrec, Valerie Wilmer, Caroline Forbes, Horace) aux pochettes des disques, des tableaux inspirés par cette musique (d’Henri Matisse à Basquiat en passant par l’hommage à Sidney Bechet de Nicolas de Staël) à la bande dessinée ou encore aux films de Cassavetes, Vadim ou Skolimovski.
  • Vies du jazz, (souvent ancrées dans une réalité plus complexe), pétries des clichés, de cats insouciants et éventuellement drogués, entourés peut-être malgré eux de mafieux et d’une aristocratie sensible et unique en son genre (le Jazz Age de Francis Scott Fitzgerald, mais aussi la baronne Pannonica de Koenigswarter).
  • Jazz dit par d’autres musiques : le hip-hop qui s’y éprouve et s’y affilie souvent, les musiques classiques ou dites savantes qui projettent sur lui la liberté totale du nouveau comme parfois le mépris souverain pour le vulgaire, la chanson qui n’en épuise jamais l’inspiration et puis toutes les musiques cousines, soul, funk, rythm & blues, qu’il a nourries et dont il se nourrit désormais, etc.
  • Mais aussi : ruptures européennes avec le jazz étatsunien et les relations amour/haine qui n’en finissent jamais ; orientations spirituelles et politiques et leurs implications directes dans le discours musical ; influences des musiques orientales et africaines et en retour influences du jazz sur les nouvelles musiques populaires africaines.
  • Enfin, musique marquée par une domination masculine dans laquelle pourtant de nombreuses femmes ont exprimé d’autres sensibilités, parfois radicales dès le commencement de cette musique jusqu’au moment charnière du Feminist Improvising Group.
  • En résumé, le jazz dit par lui-même, bien sûr, d’abord par les musiciens et musiciennes, mais aussi par les producteurs, organisateurs de festival, critiques, philosophes, écrivains, publics...

En suivant l’ordre chronologique, ces 101 citations racontent en filigrane une même histoire, ce sont tous ces regards sur le jazz qui apparaissent dans leur communauté d’intérêt pour une même musique, et pour toutes celles et tous ceux qu’elle a d’une manière ou d’une autre fait vivre plus intensément.

 

Parution : avril 2025

Edition courante

Format : 12,5 x 19
Reliure : broché
64 pages

ISBN : 978-2-37650-185-5

Prix : 7,90 €

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